L’amour sous le drapeau arc-en-ciel

Lourde, cette plume en ma main. Où trouvé- je cette force pour vous écrire, chuchoter ce secret, Madame? Ce beau secret, Madame. Celui qui habite cette femme. Ma voix est lourde, trop rauque pour ce chuchotement. Malgré tous mes efforts, on m’entendra, madame. On entendra mes plaintes, madame. On entendra mon amour. Cet amour cru. Paré de toutes les vices du monde. Cet amour de l’au-delà. Cet amour venant d’une femme pour une autre femme. D’un cœur d’un enfant pur. A peine connu la chaleur de ce monde.

Je choisis de vous écrire ces mots à cette heure. Je choisis de vous écrire à la genèse de l’Aube. Je choisis de vous écrire ces mots d’un matin de Port-au-Prince. D’un sommeil et réveil de cette ville que j’aime tant. Je profite du calme de cette ville pour vider mon amour. Pour vous dire à quel point je vous aime, madame. Oui, madame, je vous aime. Je vous aime, madame. Je vous aime d’un amour opaque. Je vous aime d’un amour trop pour ce monde. Trop pour ce monde qui nous envie. Qui ne nous accepte pas.

Vous m’aviez demandé de lutter pour qu’on respecte nos droits, nos droits d’aimer. Vous avez bien raison. Mais, désolée, madame. Je suis occupée. Trop occupée. Trop occupée à vous aimer. Trop occupée à jouir de cet amour en silence. Au lieu de prendre la rue, avec un morceau de carton pour dire Aba à cette société homophobe. Je crie mon amour. Mon amour aux mille couleurs. Cet amour pervers pour les autres mais, sacré pour nous. Cet amour ayant la force du vent d’automne. Capable de faire flotter nos couleurs, notre drapeau.
Eux. Les maitres du monde. Les maitres de l’amour qui dictent qui peut aimer ou pas. Ils n’ont pas la force de cette plume, madame. Ils n’ont pas la force de cet amour que je porte. Quoiqu’ils fassent, sachez madame, ils ne pourront pas empêcher une femme d’aimer une femme, d’écrire son amour pour une femme…

[je porte la voix d’une inconnue amoureuse]