Lors de mes premières règles…

Article : Lors de mes premières règles…
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13 juin 2023

Lors de mes premières règles…

Menstru’Elles, un projet lancé par Yamiley et d’autres jeunes, a été annoncé au grand public par une vidéo de témoignages sur les premières règles. Cette vidéo m’a rappelé ma période de premières règles.

Le 28 mai, c’était la journée mondiale de l’hygiène menstruelle. À cette occasion, Yamiley Démorcy, jeune féministe Haïtienne, étudiante en sciences juridiques, a lancé, en collaboration d’autres jeunes, un projet sous le nom de Menstru’Elles. Ce projet vise à sensibiliser la population haïtienne sur les premières règles des jeunes filles, le problème de l’endométriose et la difficulté d’accès aux serviettes hygiéniques. L’équipe avait réalisé des activités tant sur les réseaux sociaux qu’en présentiel. J’avais eu l’occasion de regarder une vidéo de témoignage dont Yamiley Démorcy était l’une des metteuses en scène. Celle-ci raconte l’histoire des premières règles d’une jeune fille.

« Je me rappelle de tout »

L’histoire m’a vraiment touchée. Une semaine après, elle titille encore et encore mon esprit. Elle me rappelle la période de mes premières règles. Cette période reste nette et claire dans ma tête. J’ai les images qui y défilent par séquence. Je me rappelle de tout, les moindres petites choses. De là, j’ai pu comprendre qu’il y a des périodes telles que l’enfance et l’adolescence qui vous marquent à jamais et qui ne cessent de vous travailler malgré l’âge… Je me rappelle de tout. Tout. Les sensations. La réaction de Tati. Les réactions de mes camarades. Tout.

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Je me rappelle que j’avais douze ans. J’étais en sixième année. C’était un lundi matin. Je m’étais réveillée très tôt pour pouvoir aller à l’école. J’étais vêtue d’une chemise de nuit blanche. Après m’être levée de mon lit, je m’étais rendue devant le miroir, comme d’habitude, pour regarder mon visage et inspecter les traces de mon doux sommeil. J’ai vu ma chemise de nuit tachée de sang.

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Je n’ai même pas pris une seconde pour réfléchir ou pour demander ce qui m’était arrivé. Je suis allée rapidement dans la chambre de Tati pour lui montrer. En arrivant, elle m’a dit sur un ton ironique : « ou fòme Milie » (en français, « Tu as tes premières règles, Milie« ). Après, elle m’a donné un paquet de serviettes hygiéniques et m’a montré les techniques pour attacher le tampon à la culotte. Et elle m’a lancé cette phrase. La seule qui me servira d’éducation sexuelle, qui résonnera toujours en moi malgré tant d’années. « Milie tu as tes règles maintenant, tu peux enfanter comme moi. Attention ! » .

Dures journées à l’école

Je me rappelle que j’étais resté muette ; indifférente. Je laissais la chambre de Tati. Je prenais mon bain et je me suis rendu à l’école. Ce jour-là, le professeur avait travaillé les leçons de grammaire. Il envoyait les élèves au tableau. Après trois élèves, c’était mon tour. Je savais bien faire ce qu’il m’avait demandé. En étant sur le tableau. Je sentais qu’il y avait un brouhaha dans la salle. Les filles riaient à gorge déployée. Je pensais que j’avais fait une erreur. Je révisais encore et encore la phrase que le professeur m’avait demandé de rédiger. Pas de faute. Les verbes étaient bien conjugués. Les points étaient bien placés…

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Lorsque je lançais un coup d’œil sur la salle, les filles cessaient de rire. Elles restaient sérieuses comme je ne les avais jamais vues. Je scrutais encore ma phrase afin de trouver l’intrigue. Elles éclatent de rire à nouveau. Le professeur leur a demandé de se taire et m’avait dit à haute voix que ma jupe était tachée de sang, si je ne savais pas que j’allais avoir mes règles et que je ne devais pas être négligente à ce point en tant que fille. Je ne devais pas laisser voir mon sang. De là, j’ai compris que j’avais mal appliqué les leçons de Tati, j’avais mal attaché le tampon à la culotte.

Un enfer pour moi

Ce jour-là, je me sentais sombrer dans la honte. Je restais figée devant la salle. Je ne savais quel pied mettre en avant pour me réfugier à ma place. Le professeur lui-même avait continué à remuer le couteau dans la plaie. Sur un ton ironique, en complicité avec la salle, il m’a dit que je suis une femme, je pourrais même enfanter 10 enfants, malheur à moi si je suis allée goûter au sucre des garçons. Face à ces propos, je restais muette. J’avais bien envie de pleurer. Je ne savais pour quelle raison, je me retenais. Le professeur m’avait demandé d’aller aux toilettes afin de me nettoyer. L’établissement ne disposait pas de serviettes hygiéniques pour les filles. Je n’ai qu’à réajuster ma serviette à la culotte et virer de bord ma jupe…

Je me rappelle de toutes ces choses. De cette mauvaise journée à subir les moqueries de mes camarades de classe. Même en période de récréation, elles ne m’avaient pas lâché. Je ne savais où me mettre. L’établissement devenait un enfer pour moi. J’étais toujours impatiente de rentrer chez moi. J’avais passé toute une semaine comme ça.

Je me rappelle de toutes ces choses. Les images restent claires et nettes. Je me rappelle de cette période grâce à cette belle initiative qu’avait prise Yamiley et son équipe. Qui sait ! Peut-être l’une de mes camarades se trouvant à l’autre bout du monde, en lisant ce billet, peut bien se rappeler ces moments durs qu’elles m’avaient fait vivre.

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